Dans une analyse exceptionnelle, la dissidente Cai Xia montre comment le président chinois exerce un pouvoir solitaire et paranoïaque. En coulisses, la grogne monte.
J'ai longtemps été aux premières loges des intrigues de cour du PCC. Pendant quinze ans, j'ai été professeure à l'école centrale du parti, où j'ai aidé à former des milliers de cadres de haut rang du PCC qui composent la bureaucratie chinoise. Durant cette période, j'ai conseillé la direction du PCC sur le développement du parti, et j'ai continué à le faire après ma retraite en 2012.
Deng limita la présidence de la Chine à deux mandats de cinq ans, et établit une forme de gouvernement collectif, permettant à d'autres responsables - d'abord Hu Yaobang puis Zhao Ziyang - de diriger le parti, même si c'est lui qui tirait toujours les ficelles. En 1987, le PCC décida de réformer le processus de sélection des membres du Comité central et de l'organe dont sont issus les membres du Politburo.
Hu chercha également à étendre les limites de mandats. Bien qu'il se heurtât à des résistances en voulant instituer ces limites pour les membres du Politburo et de son Comité permanent, il réussit à les faire passer pour les ministres provinciaux et aux niveaux inférieurs.
Fait révélateur, ceux qui ont aidé l'ascension de Xi ont été épargnés. Jia Qinglin, chef du parti du Fujian dans les années 1990 devenu membre du Comité permanent, a aidé Xi à gravir les échelons du pouvoir.
Xi a également modifié la dynamique au sein du Comité permanent. Pour la première fois dans l'histoire du PCC, tous les membres du Politburo, même ceux du Comité permanent, doivent rendre compte directement au chef du parti en soumettant des rapports périodiques à Xi, qui examine personnellement leurs performances. La camaraderie et la quasi-égalité qui régnaient autrefois entre les membres du Comité permanent ont disparu.
Ces qualités étaient manifestes avant même qu'il ne prenne ses fonctions. En 2008, Xi est devenu président de l'école centrale du parti, où j'enseignais.
Les politiques économiques de Xi sont, de façon similaire, contre-productives. L'introduction des réformes de marché fut l'une des marques des réussites du PCC, ce qui a permis à des millions de Chinois de sortir de la pauvreté. Mais à son arrivée au pouvoir, Xi en est venu à considérer le secteur privé comme une menace pour sa domination, et a remis au goût du jour l'économie planifiée de l'ère Mao.
D'un coup, une ville moderne et prospère devenait le lieu d'un désastre humanitaire : habitants affamés, bébés séparés de leurs parents. Un dirigeant plus ouvert à l'influence d'autrui, ou limité par de plus grands freins, n'aurait pas mis en oeuvre une politique aussi draconienne, ou l'aurait au moins amendée une fois ses coûts et son impopularité devenus évidents.
Xi est en butte à l'opposition croissante de chacune de ces trois factions. La gauche, qui a initialement soutenu ses politiques, pense désormais qu'il est allé trop loin dans la résurrection des politiques de Mao. Certains ont été désenchantés par sa répression du mouvement ouvrier. Le centre en veut à Xi d'avoir détricoté les réformes économiques.
Sentant peut-être cette déception croissante, Xi a tout fait pour renverser le jeu en sa faveur. Le groupe de pression est bien sûr celui de ses collègues membres du Comité permanent, les plus influents en dernier ressort pour décider s'il reste en poste, en raison du contrôle qu'ils exercent sur les membres du corps législatif.