Ils s’appellent Buhameak à l’intérieur des terres, Kaskarots sur la Côte. À partir du XVe, des groupes de voyageurs tsiganes s’implantent progressivement au Pays basque, au bout d’un périple de plusieurs siècles parti d’Inde. Comment ces populations nomades ont-elles été reçues ? Sont-elles devenues basques ? Quelle empreinte ont-elles laissée ? « Sud Ouest » explore cette destinée méconnue et encore largement taboue
. « Je savais seulement qu’on était des gens du peuple, que si on avait été au Moyen-Âge, on aurait été des serfs. C’est ce qui se disait dans ma famille », retrace l’étudiante ziburutar.
Entre 1417 et 1419, des groupes de nomades commencent à arriver en Europe de l’Ouest. « Ils disent venir de la petite Égypte, une région du monde hellénophone, qu’on a encore du mal à situer », contextualise Jean-Pierre Cavaillé, maître de conférences à l’EHESS et spécialité de la question tsigane. Ils se présentent aussi comme des pèlerins, en quête de rédemption après avoir été renégats du Christianisme et s’être un temps tournés vers l’Islam : « Or, dans ce monde de la fin du Moyen-Age, on doit assistance aux pèlerins. D’autant qu’ils ont avec eux de vrais-faux papiers émanant du Saint-Siège. »L’histoire tient un temps : « Mais le pèlerinage n’est jamais fini et ils reviennent chaque année ».
Cette traque culmine localement avec la rafle de 1802, ordonnée par le préfet des Basses-Pyrénées : 475 Bohémiens sont arrêtés au Pays basque français. Direction la Louisiane, qu’on n’en parle plus. Le projet ne verra jamais le jour : entre-temps, la France a perdu le contrôle de ce territoire américain. Une grande partie des raflés reviendra au pied des Pyrénées dans les années qui suivent.
Parfois, ma nièce revient de l’école et dit : ‘Elle m’a dit Bohémienne’. Là, je pense : ‘Ça ne va jamais s’arrêter’. C’est incroyable et ce sont les parents qui leur apprennentmillénaire, l’exclusion serait encore à l’œuvre en certains endroits.
Itxaro Borda défense une thèse : « Les Bohémiens étaient rejetés par les institutions, mais acceptés par les gens du peuple. » Jean-Claude tamponne et cible en particulier le clergé : « C’est lui qui contrôlait le respect de la bienséance. Et les Bohémiens y faisaient des entorses à ses yeux ».
Les Kaskarots luziens ont habité près du port, autour de la rue de la République, notamment rue de la Baleine.D’après l’historien amateur local, deux facteurs vont légitimer et asseoir leur présence. Le premier est bassement matériel et économique. Spécialisés dans les métiers de la mer pour une bonne partie d’entre eux, braves et doués pour ces tâches, les Kaskarots se rendent indispensables au fonctionnement de la cité.
Pour échapper davantage aux oreilles autochtones, les Buhame vont imaginer un langage encore plus complexe. « Ils plaçaient la lettre P après chaque syllabe, syllabe qu’ils répétaient ensuite après le P, moins la première consonne, si elle commençait par une consonne », a décrypté le prêtre Jean Barbier.
Des témoignages d’Amikuze qui se recoupent avec ceux de Garazi-Baigorri, à l’extrême, se remémore Nicolas : « Ma grand-mère ne parlait pratiquement que le basque. En français, elle alignait quatre mots, elle confondait le féminin et le masculin, c’était très compliqué pour elle. » D’une façon plus classique que pour les Kaskarots, la communauté tsigane de l’intérieur va ainsi se réduire et se disloquer à partir du XIXe. « Certains vont trouver du travail dans des usines ou le BTP, d’autres quitter la campagne, un petit nombre rejoint la communauté manouche et gitane.
Nicole Lougarot y voit une forme d’assimilation forcée, qui aurait conduit à l’affaiblissement, voire à la perte de l’identité tsigane originelle. Pourtant, à l’écoute des rares témoignages de descendants de Bohémiens ou Kaskarots , on comprend qu’un patrimoine, plus invisible, s’est transmis. Autre trait partagé, une sacralisation de la famille, vue comme un clan : « L’esprit de famille, c’est la chose la plus importante chez nous. Les enfants aussi. On n’y touche pas. Ce sont les rois. C’est pour eux qu’on vit », dit Corinne. « Quand on se réunit, que les parents soient là ou pas, c’est tout le monde qui s’occupe des enfants.
Dans les mémoires collectives basques, l’héritage des Bohémiens charrie son lot de clichés, positifs ou négatifs. Le plus péjoratif, qui nourrit encore des bannissements moraux, tient à leur supposé statut de « voleur de poules ». Il ne repose pas sur rien. « Pour les vols, c’était peut-être un mouton ou une brebis. Mais il y a prescription maintenant », confesse Firmin.
Maeva Sahastume regrette la folklorisation de la prétendue souveraine. « Un géant à son effigie a été créé en 2022 . On l’accommode à toutes les sauces. Il faut s’attendre à ce que cette icône bohémienne soit immortalisée sur le long terme, avec les clichés qu’elle véhicule et la désinformation à son propos ».
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